Perturbations climatiques à Adjohoun: Quand la terre ne nourrit plus son homme

Dans la commune d’Adjohoun où les communautés sont condamnées ces dernières années à subir la furie des eaux, la vie tourne de plus en plus au cauchemar. Face au feuilleton aux mêmes épisodes des inondations, les populations impuissantes et dans la psychose, craignent chaque année le pire. Désormais, même si des réponses sont apportées pour conjurer le sort, la nouvelle vie avec la variabilité climatique est tout simplement devenue une lutte pour la survie.

90 mm de pluie. C’est la quantité d’une seule pluie enregistrée le 12 mars 2013 dans le village de Houèdo-Wo dans la commune d’Adjohoun. Du jamais vu dans cette localité de l’avis des anciens de cette localité. Une pluie qui aura fait partie en fumée, plus de 50 ha de productions laissant les communautés dans un profond désarroi. Loin d’être anecdotique, les communautés de ce village s’habituent à connaitre chaque année, la même situation et dans la même période. Mais, elles ne sont pas les seules à vivre ces pires inondations devenues régulières.
Car, à quelques encablures, dans le village d’Agonlin-Lowé, toujours dans la commune d’Adjohoun, la pluie, autrefois porteuse de prospérité est aussi redoutée.
Aujourd’hui, « dès la tombée de la pluie, j’ai peur et je suis inquiète », confie Élisabeth Kpossou, une habitante du village. C’est le même sentiment chez sa voisine et amie, Alice Codjo.

Le chef du village dans la forêt communautaire. Photo: ATPourtant, il y a encore quelques années, les inondations cycliques faisaient partie de la vie de ces paisibles communautés. Et loin d’être une fatalité, elles en avaient fait une opportunité en profitant de la fertilité du sol après le retrait des eaux pour obtenir de bons rendements des cultures. Depuis peu, cette époque est révolue et actuellement, « tout a changé », raconte le chef de village, Samuel Boton qui, nous apprend que « maintenant, les inondations sont plus ravageuses ». Et de faire remarquer qu’avec les grandes pluies de ces derniers temps, ses inquiétudes sont plus grandes. « Cette année encore (2013), nous avons davantage peur avec les grandes pluies ». Car, le chef de village comme beaucoup d’habitants de sa localité, redoute la catastrophe de 2010 (voir la vidéo ci-dessous). Une année exceptionnelle qui aura marqué tous les esprits dans ce village par l’ampleur jamais égalée, des dégâts enregistrés par les inondations dans cette partie méridionale du Bénin.

En effet, à l’instar de ces deux villages de la commune d’Adjohoun comptant 56.455 habitants, c’est tout le pays tout entier qui a été durement frappé par cette catastrophe. Sur l’ensemble du pays, le bilan était lourd et les dégâts importants. On a dénombré 46 morts avec plus de la moitié des communes sinistrées (55 communes sinistrées sur les 77 que compte le Bénin). Au total, 21 communes étaient sévèrement affectées, 680.000 personnes touchées et de vastes superficies de champs englouties par les eaux. Sans oublier les maladies hydriques telles que les diarrhées et vomissements, les affections cutanées, les affections gastro-intestinales et respiratoires et les maladies endémiques comme le paludisme qui ont durement affecté les populations.

Un bénéficiaire du programme PANA sur son champ de piment. Photo: ATAinsi, ces pires inondations ont causé des dégâts au niveau des logements, écoles, centres de santé, routes, places de marché, lieux de cultes, réseaux d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement, et sur d’autres biens et services publics. Selon le rapport de l’Évaluation des besoins post catastrophes produit par le gouvernement et le Système des Nations Unies en 2011, l’ensemble des dommages occasionnés par les inondations sur l’économie béninoise s’élève à près de 78,3 milliards de FCFA (près de 160 millions USD).

Dans ce rapport devenu un rapport de référence, le sous-secteur agricole a été le plus touché du fait des pertes d’emblavures de cultures vivrières et de rente: 50.764 ha de cultures toutes spéculations confondues sont détruites. Pour des localités essentiellement agricoles comme celles d’Adjohoun (90% rurale), les dégâts sont énormes. « On a trop de problème actuellement parce qu’il pleut trop, on produit mais on ne récolte plus rien », nous signale Hounsou Fidèle, pêcheur et agriculteur, âgé de 40 ans. « On s’attend toujours au scénario chaque année », se désole le chef de village.

Originaire du Bénin en Afrique de l’ouest, Alain TOSSOUNON est journaliste depuis plus d’une quinzaine d’années. Rédacteur en Chef puis Directeur de rédaction de l’hebdomadaire spécialisé dans la décentralisation et la gouvernance locale « Le Municipal », il a suivi et validé plusieurs certificats en gestion des ressources naturelles (Université Senghor d’Alexandrie) et en eau avant de passer grand reporter sur les thématiques de l’eau, l’hygiène et l’assainissement de base et l’environnement.
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