Une Prière pour les damnés du stress hydrique

Une Chronique de Alain TOSSOUNON pour la JME 2019

Élément essentiel à la vie, l’eau est inextricablement liée à l’humanité. Les hommes doivent leur vie à l’eau qui constitue une composante de la nourriture. L’eau est aussi indispensable à la santé et à l’hygiène. Sans oublier qu’elle est surtout source de beauté, d’émerveillement, de rafraîchissement et de détente. Parce que, toutes les fois que nous sommes en étroit contact avec elle, la nature a sur nous un pouvoir revigorant. Ce n’est du reste pas un hasard si les vacanciers choisissent souvent leur lieu de villégiature à proximité de points d’eau, le retour à la nature étant une façon de se ressourcer. L’eau dotée d’une valeur esthétique est au centre des pratiques et des croyances dans nombreuses religions du monde.  Dans une contribution lue par Mgr Renato Raffae le Martino au IIIe Forum mondial de l’Eau, le saint siège soutenait que « l’eau considérée comme force créatrice, nettoie en éliminant les impuretés, en purifiant les objets à caractère rituel, et en permettant aussi à l’homme d’être tout simplement propre, physiquement et spirituellement ».

Seulement, ce liquide précieux vient à manquer aux populations les plus pauvres. Car, selon ONU Eau, 2,1 milliards de personnes ne disposent pas d’eau potable dans le monde et une école  primaire sur quatre ne dispose pas d’eau potable : soit les enfants ne boivent pas, soit ils consomment de l’eau provenant de sources non protégées.
Face à cette situation qui dure et perdure, depuis plusieurs années, l’insuffisance de l’approvisionnement et de l’accès à l’eau a pris place dans le débat mondial en tant que phénomène grave et menaçant. Parce que les communautés et les individus peuvent se passer de certains biens essentiels pendant un laps de temps relativement long mais sans eau potable, l’homme ne peut survivre que quelques jours. L’approvisionnement insuffisant ou peu sûr en eau contraint les populations pauvres, notamment dans les pays en voie de développement, à devoir faire face quotidiennement à de graves difficultés.
Dans notre pays, selon l’Aide-mémoire conjoint signé au terme de la revue sectorielle tenue en 2018, en considérant la nouvelle méthode de calcul du taux de desserte en milieu rural et urbain, les taux pour l’année 2017 sont respectivement de 41,8% et de 55%. Selon ces chiffres, nombreux donc sont les Béninois et Béninoises qui vivent chaque jour dans l’angoisse de la soif.
Ce 22 mars, la communauté internationale à travers la résolution A/RES/47/193 a décidé de consacrer cette journée à l’eau. Et cette année 2019, le thème choisi est : « Ne laisser personne de côté ». En choisissant ce thème, il s’agit pour la communauté internationale, de s’adapter à la principale promesse du Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui dit que « tout le monde doit pouvoir bénéficier des progrès accomplis en matière de développement durable ». Surtout, en choisissant de ne laisser personne de côté dans notre marche vers l’accès universel à l’eau, elle nous invite à penser aux laissés-pour-compte. Ce sont inévitablement les groupes marginalisés : les femmes, les enfants, les réfugiés, les peuples autochtones, les personnes handicapées et beaucoup d’autres qui sont oubliés faisant ainsi l’objet de discrimination quand ils tentent d’accéder à l’eau potable dont ils ont besoin. Ramenée à notre contexte au Bénin, il s’agit, en dehors des femmes et des jeunes filles qui subissent chaque jour la corvée de l’eau, de toutes les personnes vivant dans les milieux enclavés, loin de tout regard ou des personnes pauvres qui sont dans l’incapacité de payer le service de l’eau aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain. Pour ces personnes qui sont les plus touchées, avoir accès à l’eau devient vite une question de survie. Et au-delà, ces personnes se trouvent exposées aux maladies provoquées par l’eau insalubre. Selon l’OMS, chaque jour, plus de 700 enfants de moins de cinq ans meurent de diarrhées causées par le manque d’assainissement.
Ainsi, au-delà des messages officiels tous azimuts et d’un exercice de bilan auquel s’adonnent ceux qui détiennent le pouvoir de changer la situation, la communauté internationale nous invite à avoir une pensée pour ces oubliés des politiques et programmes d’accès à l’eau. Appeler à une attention envers les laissés-pour-compte ne signifie guère ignorer les nombreux facteurs qui peuvent expliquer pourquoi certaines personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Au nombre des motifs discriminatoires défavorisant, nous avons sans doute le sexe et le genre, la race, l’appartenance ethnique, la religion, le handicap, le lieu de résidence, la situation économique et sociale… A ces facteurs, il faut ajouter incontestablement, la dégradation de l’environnement, le changement climatique, la croissance démographique, les conflits, les déplacements forcés et les flux migratoires, en raison de leurs répercussions sur les ressources en eau. Avons-nous le droit de garder le silence face aux femmes et aux jeunes filles chargées de la collecte de l’eau dans 8 ménages sur 10 n’ayant pas de point d’eau à domicile ? Les personnes les plus fortunées ont en général accès à des services d’eau, d’assainissement et d’hygiène de haut niveau, à des prix (souvent) très bas, alors que les personnes pauvres paient un prix beaucoup plus élevé pour un service de qualité identique, voire inférieure.
Depuis 2010, la communauté internationale a pris ses responsabilités en reconnaissant « le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’homme, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Ce droit de l’homme de l’eau désormais conféré à tous, signifie que chacun, sans discrimination, a le droit à un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau potable et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques, qu’il s’agisse de boisson, d’assainissement individuel, de lavage de linge, de préparation des aliments ou d’hygiène personnelle et domestique.
Ainsi, tous les Etats devraient dans un mouvement d’ensemble bâtir des politiques publiques efficaces à même de satisfaire tout le monde y compris les personnes pauvres et marginalisées. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas dans les pays malgré toutes les actions entreprises ces dernières années pour améliorer le taux d’accès des populations. Parlant d’efforts, il faut saluer l’engagement du président Talon de réaliser l’accès universel d’ici 2021 et féliciter son gouvernement pour les ressources conséquentes mobilisées pour y parvenir. Parvenir à atteindre cet objectif au Bénin, revient à davantage penser aux personnes des localités les plus éloignées de notre pays, aux personnes vivant en milieu péri-urbain souvent laissées-pour-compte mais aussi aux personnes pauvres ne disposant pas des moyens pour payer le service.
Tout en pensant et en œuvrant à la satisfaction de ces oubliés de la nation, le message de la JME 2019 nous appelle aussi à maintenir et améliorer la qualité de l’eau qui devient de plus en plus difficile dans les zones les plus urbanisées, principalement dans les pays en voie de développement.
Enfin, qu’il s’agisse de la quantité, de la qualité ou des maladies liées à l’eau, il convient de rappeler qu’il est  universellement reconnu, que la gestion de l’eau doit quitter le giron d’un gouvernement central et passer aux mains de communautés ou de gouvernements locaux. Au nom du principe de subsidiarité, les décisions et la gestion de l’eau doivent se faire au plus près des citoyens. Bien que s’agissant d’un problème global, les décisions relatives à la question de l’eau ne peuvent être prises efficacement qu’au niveau local. Afin que personne ne soit « laissé de côté », c’est avec les communes et leurs communautés que les solutions urgentes et durables doivent être trouvées pour le bien-être de chacun et de tous.
Originaire du Bénin en Afrique de l’ouest, Alain TOSSOUNON est journaliste depuis plus d’une quinzaine d’années. Rédacteur en Chef puis Directeur de rédaction de l’hebdomadaire spécialisé dans la décentralisation et la gouvernance locale « Le Municipal », il a suivi et validé plusieurs certificats en gestion des ressources naturelles (Université Senghor d’Alexandrie) et en eau avant de passer grand reporter sur les thématiques de l’eau, l’hygiène et l’assainissement de base et l’environnement.
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