EAU

ONEA et accès à l’eau au Burkina-Faso : Deux auteurs racontent l’histoire d’une société exemplaire

Alors que dans plusieurs pays de l’Afrique de l’ouest, la gestion des  entreprises publiques nationales et des sociétés de distribution et de fourniture d’eau est souvent décriée, l’Office National  de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA) du Burkina-Faso s’est illustré  ces dernières années comme un cas d’école.  L’ouvrage intitulé « De la faillite à l’excellence : Histoire extraordinaire d’une transformation »  édité avec le soutien de la Chaire Paris Tech-Suez Environnement a été lancé à l’occasion du 7e Forum Mondial de l’Eau.  


Dans  cet ouvrage comportant  250 pages  et subdivisé en deux parties, les deux auteurs Jacques Bertrand et Hélène Géli expliquent les raisons de la transformation qu’a subie  cette société. Dans la première partie , sous une forme journalistique, les auteurs  nous font revivre les changements  qu’a connus  cette société passée en l’espace de 20 ans,  d’un état de déliquescence  à un état  d’une entreprise bien gérée qui offre un service de qualité en matière d’accès à l’eau à ses clients. 
En effet, héritage colonial comme plusieurs autres sociétés nées avec les indépendances, l’Office a connu des débuts difficiles de 1954 à 1990.  Appelée VOLTELEC au départ sous l’ère coloniale, la Société  nationale de l’Eau (SNE) a pris le relais pour se consacrer exclusivement à la gestion de l’eau en 1970. Mais, elle ne durera que sept (7) ans avec un bilan plus ou moins positif avec 1300 abonnés raccordés au réseau et l’ouverture de 7 centres. Mais, rigoureuse au départ, sa gestion va se heurter à l’émergence de branchements privés qui font chuter les recettes de la société.  Pour répondre aux défis de gestion, le gouvernement du Burkina-Faso décide de transformer la société en une entreprise publique en 1977. C’est la naissance de l’Office national de l’eau (ONE).  Elle aura pour principale mission de  concilier rentabilité financière et la demande sociale. Mais, elle va très tôt montrer ses limites et son incapacité à combler les attentes des populations. Plusieurs citoyens sont restés sans raccordement et sans solution, ils vont recourir aux anciennes sources (puits, marigot…). Avec la gestion de l’ONE naîtra une inégalité dénoncée par plusieurs citoyens : la tarification pratiquée ne profite pas aux citoyens éloignés des villes qui paient plus chers l’eau. Alors, peu à peu, la nouvelle société ONE se montre incapable de multiplier les bornes fontaines, d’assurer un service continu de l’eau et de recouvrer les impayés. Tout simplement, elle ne remplit pas son contrat.
Avec la révolution intervenue en 1983, l’ONE tente de se conformer aux nouvelles règles en développant les points d’eau collectifs au détriment des abonnements privés. Mais la société va très vite être rattrapée par la réalité du manque de financement pour l’extension du réseau. La distribution de l’eau devient de plus en plus catastrophique dans la ville de Ouagadougou. Les mesures révolutionnaires vont être prises surtout en matière de construction d’un nouveau barrage sur le fleuve Nakambé. Plus tard, le passage de l’ONE à une nouvelle société ONEA ne va pas relever les défis. L’ONEA connait un naufrage.
Les années de gloire de l’ONEA
Au bord du gouffre avec un déficit cumulé de 3 milliards de francs CFA, le nouveau directeur de l’Office, Aly Congo va procéder au diagnostic complet. Cet état des lieux lui permet en premier,  de revoir le cadre juridique et règlementaire de l’Office afin d’éviter les interférences du pouvoir central. Ensuite, il s’appuie sur des ressources humaines aux compétences reconnues. Tout va aller vite dans la refonte de la société avec de nouvelles mesures et d’un pilotage à vue à un management éclairé pour sauver la société. Dans la foulée,  l’initiative de la construction du barrage de Ziga va redonner espoir à la renaissance de la société mais aussi aux populations.
En effet, c’est grâce au projet de barrage de Ziga que la transformation de l’ONEA va s’opérer. Tous  convaincus (y compris l’Etat central), que ce projet est la seule alternative pour sortir les populations de la soif, l’Office va réussir à mobiliser plusieurs partenaires pour son financement malgré sa complexité. Avec un schéma directeur organisationnel et informatique à la clé, la société va passer à une nouvelle culture d’entreprise salvatrice. Sur fonds d’audits et de mesures internes, la société va se relever progressivement même avant la mise en œuvre effective du projet Ziga. La détermination aura été un facteur de succès de la renaissance de l’Office dont les nouveaux dirigeants ont redonné confiance aux bailleurs qui acceptent de financer ce projet gigantesque. Une fois le projet réalisé, l’ONEA enchaîne des résultats spectaculaires. Maintenant que l’eau est disponible, la société voit accroître le nombre d’abonnés (Plus de 250 000 bénéficiaires chaque année). Son chiffre d’affaires augmente de plus de 50% avec un taux de recouvrement de plus de 80%. Pour les auteurs, l’ONEA passe ainsi de la maturité à l’excellence.   Avec une nouvelle feuille de route, une démarche qualité  et un management opérationnel et participatif, les clients sont bien servis et l’eau pour tous devient une réalité. Aujourd’hui, exemplaire et excellente, l’ONEA est une entreprise publique exemplaire. Un fait rare en Afrique de l’ouest. L’une des clés de la réussite selon l’ancien Directeur de l’Office, Lamine Kouaté, est la « véritable autonomie » et « la liberté de gestion » dont dispose le Directeur général.  
Aujourd’hui, l’Office assure la couverture intégrale des cinquante (50) centres urbains du pays avec un niveau de qualité de l’eau fort appréciable. Mais, dans un contexte de démographie galopante et de changements climatiques, l’ONEA, malgré ses performances, devra dans les prochaines années, améliorer sa capacité de production et de distribution pour satisfaire sa clientèle. 
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Originaire du Bénin en Afrique de l’ouest, Alain TOSSOUNON est journaliste depuis plus d’une quinzaine d’années. Rédacteur en Chef puis Directeur de rédaction de l’hebdomadaire spécialisé dans la décentralisation et la gouvernance locale « Le Municipal », il a suivi et validé plusieurs certificats en gestion des ressources naturelles (Université Senghor d’Alexandrie) et en eau avant de passer grand reporter sur les thématiques de l’eau, l’hygiène et l’assainissement de base et l’environnement.
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