Longtemps recherché par les acteurs de la lutte contre le paludisme, l’accroissement de la part du budget national est devenu une réalité en 2023. Si cet acquis important est le fruit d’un plaidoyer soigneusement mené et de l’engagement des acteurs, l’heure est à la capitalisation pour se donner les moyens de maintenir le cap.
Les ressources domestiques pour la lutte contre le paludisme ont connu un accroissement au cours de cette année 2023. Selon le Plan Stratégique Intégré orienté vers l’Élimination (PSNIE) du Conseil National de Lutte contre le VIH/Sida, la Tuberculose, le Paludisme, les Hépatites, les IST et les Épidémies (CNLS-TP) sur la période 2020 à 2024, il faut pour la lutte contre le paludisme au Bénin, mobiliser 130 595 864 000 FCFA. D’une manière générale, les partenaires techniques et financiers contribuent à eux seuls pour plus de 80 % des ressources mobilisées par an. Le Gap de financement était de 33 150 937 000 F CFA, soit 42% du budget du PSNIE sur les trois ans. La part contributive du budget national est passé d’une moyenne des cinq dernières années d’un milliard trente-neuf millions neuf cent un (1 039 901 000) francs CFA en 2022 à deux milliards cinq cent millions (2 500 000 000) francs CFA pour l’année budgétaire 2023.
Fiers de cette augmentation qui constitue un acquis majeur et un exemple dans la sous-région, le Coordonnateur national du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), Dr Cyriaque Affoukou, n’avait pas caché sa joie à l’annonce de cette bonne nouvelle. « Je me réjouis de l’augmentation exponentielle de la contrepartie budgétaire nationale dans le cadre de la lutte contre le paludisme au Bénin pour le compte de l’année 2023. Ce progrès considérable est le résultat d’efforts menés conjointement entre les partenaires techniques et financiers, les parlementaires, les acteurs de la société civile, du secteur privé, des médias et leaders communautaires », avait-il déclaré.
Conviés à un exercice de capitalisation pour documenter le fruit du plaidoyer abouti qui fait désormais école, tous les acteurs ont répondu présents. Au cours de cet atelier de deux jours initiés par le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) avec l’appui de Speak Up Africa, le Coordonnateur national du PNLP, Dr Cyriaque Affoukou, a une fois encore rappelé l’enjeu et l’importance de la mobilisation des ressources pour combattre ce fléau. « Le paludisme reste toujours la première cause d’hospitalisation entrainant des dépenses catastrophiques pour les ménages. Plusieurs actions de prévention au profit des femmes enceintes et des enfants sont menées y compris des actions d’assainissement des villes », a-t-il rappelé. Mais le mal est encore là et persiste. Selon l’annuaire statistiques 2021, l’incidence du paludisme au Bénin est de 21,2% dans la population générale avec une accentuation auprès des enfants de moins de 5 ans à 42,6% (19,5% de garçons et 22,8% de filles). 2 656 855 personnes ont contracté le paludisme entraînant 1914 cas de décès dans la même année 2021.
Un plan national de plaidoyer et des champions engagés, les clés du succès
Au terme d’un exercice de réflexion sur cette expérience innovante et des échanges vibrants et riches, les acteurs reconnaissent que plusieurs facteurs ont concouru à cette augmentation célébrée. Au nombre des évènements et des initiatives/actions déclencheurs, les acteurs ont signalé entre autres, le lancement de la campagne « Zéro palu je m’engage » et « Zéro palu les entreprises s’engagent », l’atelier d’engagement des OSC, le vernissage qui a permis de mobiliser la vice-présidente Mme Mariam Talata, la session d’orientation des parlementaires sur le suivi budgétaire ou encore la marche verte de plaidoyer lors de la Journée mondiale de lutte contre le paludisme. Mais, comme facteurs importants, ils retiennent essentiellement, l’élaboration et la mise en œuvre du plan national de plaidoyer, l’engagement des champions, des OSC mais aussi les médias. Pour le Président de la Fédération des Jeunes chefs d’entreprises du Bénin (FEJEC), Charles Féridjimi, le plus important des facteurs déclencheurs, « c’est la synergie d’actions entre tous les acteurs à savoir le secteur public, les OSC, le secteur privé et les médias mobilisés dans la mise en œuvre du Plan national de plaidoyer ». On retiendra surtout, l’engagement des champions à savoir l’implication du député Aké Natondé qui a porté le plaidoyer au sein du parlement. A cela, il faut ajouter, l’engagement de tous les Partenaires Techniques et Financiers intervenant dans le secteur de la santé à soutenir et encourager les partenaires locaux dans leurs efforts de mobilisation de ressources internes.
Mais, pour Charles Féridjimi et les acteurs mobilisés, tout cela n’a été possible que grâce à un environnement politique qui a été favorable « Le secteur public et le gouvernement ont été réceptifs aux initiatives. Cela a été déterminant pour l’augmentation des ressources domestiques que nous célébrons ».
En effet, les acteurs dans leur ensemble ont souligné également comme facteurs de succès, les réformes institutionnelles dans le secteur santé, le fort engagement du gouvernement pour aller vers l’élimination du paludisme et des autres maladies prioritaires, la priorisation de la santé dans le Programme d’Action du Gouvernement pour la période 2016-2021 puis celle 2021-2026, l’adoption de la nouvelle politique de santé communautaire…
Entre leçons apprises et défis d’avenir
Invités à tirer des leçons apprises de cette expérience qui fait école, les acteurs de la lutte ont unanimement retenu que l’approche multisectorielle et la synergie d’actions garantissent le succès d’une telle opération. Également, comme principaux enseignements, ils notent l’identification et le choix des champions comme porteurs de cause en tenant compte de leur capacité d’influence, l’importance de la communication comme moyen incontournable de réussite du plaidoyer.
Somme toute, cette prouesse saluée par les acteurs publics, privés comme ceux de la société civile n’est pas sans défis. Pour le Président du FEJEC, le 1er défi est de « maintenir le cap ». Pour l’avenir, il soutient fermement que le Bénin devra rester sur le bon chemin et même aller plus loin. Comme deuxième défi, il signale le maintien de la synergie d’actions entre tous les acteurs avant de souligner qu’il faudra aussi pouvoir consommer les ressources endogènes additionnelles mobilisées qui ont été allouées à cette lutte périlleuse contre le paludisme.
Les acteurs n’entendent donc pas baisser les bras. Ainsi, il faudra continuer et renforcer le plaidoyer au niveau du secteur privé à travers les instruments comme la RSE, travailler à l’avènement d’un cadre juridique favorable à la promotion du partenariat public-privé en santé…
En clair, pour l’avenir, il faudra continuer la mise en œuvre du Plan national de plaidoyer qui constitue désormais une véritable boussole pour arriver à faire engager tous les acteurs et davantage les entreprises du secteur privé. Comme recommandations, les acteurs retiennent l’élaboration et la dissémination d’un document de capitalisation, la mise en place d’un pool d’experts pour le partage d’expériences, le renforcement de la synergie d’actions, une forte implication du secteur privé et des autorités locales. Pour l’heure, le Bénin à travers le Ministère de la santé et tous les acteurs engagés peuvent se féliciter d’avoir réussi le pari de l’augmentation des ressources endogènes consacrées à la lutte contre le paludisme en attendant son élimination pour la santé et le bien-être des populations.