Santé digitale au Bénin : Une panacée pour plus d’accès à l’information médicale

A l’instar de plusieurs pays en Afrique, le Bénin a fait son entrée dans l’ère de la e-santé avec plusieurs outils numériques mis à la disposition des professionnels de la santé et de leurs patients. Des avancées technologiques visant à accélérer l’accès à l’information médicale, aux professionnels de santé et la diversification des services de santé. Avec une toile qui ne cesse de s’animer et des développeurs qui rivalisent de solutions innovantes, l’accès aux soins de santé ne cesse de s’améliorer.

« En fin d’année 2021, vers 5 heures du matin, un dimanche mon enfant s’était réveillée toute fébrile avec une forte toux. Il fallait lui donner les premiers soins et là encore, aucun produit pharmaceutique n’était disponible à la maison. Il a fallu que j’aille sur l’application « Dis-moi Doc » pour chercher la pharmacie de garde la plus proche de moi. Et en un clic, j’ai obtenu en ligne la liste des pharmacies de garde. Cela m’a évité les pertes de temps et le stress ». C’est le témoignage de dame Assiba qui traduit actuellement le recours des populations aux nouveaux outils numériques dans le secteur de la santé au Bénin.

Comme cette jeune dame, avec l’outil « Dis-Moi Doc », une plate-forme numérique de services de santé comportant plusieurs composantes (l’application mobile, le logiciel, et bientôt le call center), plusieurs utilisateurs voient désormais leurs besoins satisfaits sans sortir de leurs habitations. En dehors de l’information sur les pharmacies de garde, l’un des services les plus utilisés, est la recherche des prix des produits pharmaceutiques. « Dis-moi Doc est un outilmal. Cela me permet de connaître le prix des produits pharmaceutiques », confie Hyppolite Awhangbo Houénou.

En dehors de « Dis-moi Doc », plusieurs autres plateformes comme Pharmab, REMA, goMediCAL, Kea Medicals…offrent des services divers que variés. Bien qu’étant d’apparition récente, l’utilisation des outils numériques dans le secteur de la santé au Bénin se développe très vite. Les raisons de ce développement fulgurant sont multiples. Pour la journaliste spécialiste de la santé et présidente de la plateforme Médias et Santé, Juliette Mitonhoun, la croissance de la population qui rend difficile leur prise en charge par le système sanitaire en sous-effectif explique en grande partie ce recours vers les outils numériques.

En effet, selon le rapport annuel de l’OMS Bénin, en considérant les comptes nationaux du personnel de santé de 2018, le Bénin dispose de 10,69 agents toutes catégories confondues pour 10 000 habitants. Ce ratio est de 5,47 agents de santé qualifiés (médecin, infirmier, sage-femme, technicien de laboratoire et d’imagerie) pour 10 000 habitants donc en deçà de la norme de l’OMS qui est de 25 personnels soignants pour 10 000 habitants.

Avec ces outils numériques, les populations connectées à internet et qui disposent d’un téléphone Android, n’ont plus besoin de se déplacer ou de perdre du temps dans les longues files d’attente dans les hôpitaux et centres de santé pour avoir accès à l’information médicale élémentaire. Désormais, il est plus aisé pour les patients de contacter un médecin pour prendre un rendez-vous médical, consulter à distance et être suivi après la consultation, poser son problème de santé à un professionnel et même partager ses données personnelles pour conseils et orientation.

L’autre facteur qui explique ce recours au numérique, c’est la pénétration de l’internet et des téléphones intelligents. Pour les développeurs, il fallait donc utiliser cet avantage pour offrir aux populations, des solutions aux problèmes d’accès aux services de santé.

Combler le déficit en information médicale

Aujourd’hui, les différentes plateformes proposent une gamme variée de services destinés à offrir à la clientèle l’information médicale dont elle a besoin.

Pour le promoteur de la plateforme « Dis-moi Doc », le pharmacien et président du patronat des start-ups du Bénin, Arel Vignon D. Zannou, l’application mobile santé « Dis-moi Doc » offre aux utilisateurs en ligne, des informations relatives à la consultation médicale, les prises de rendez-vous avec les soignants, le prix des médicaments vendus en pharmacie, le suivi des paramètres de santé (glycémie, tensions…), la calculatrice d’ovulation… Une panoplie de services qui permettent de répondre au déficit de personnel de santé dans les pays.

« L’autre problème que nous essayons de résoudre, c’est le problème lié au manque d’information médicale des populations qui tombent malheureusement dans le piège des faux professionnels de santé et des ccharlatans », soutient-il. Par jour, cette plateforme reçoit près de 500 utilisateurs en moyenne. Avec une autre application mobile, « goMediCAL » les patients accèdent facilement à une liste de médecins et de cliniques, peuvent prendre et de se faire rappeler un rendez-vous médical auprès de plus de 200 professionnels de la santé.

Au total, comme le soutient la journaliste spécialiste de la santé, Juliette M. « la e-santé permet aujourd’hui, d’améliorer l’accès des populations à l’information sanitaire, de réduire le stress dans le rang des patients que des professionnels, de favoriser les rapports entre patients et professionnels, de réduire les tracasseries liées aux formalités administratives ». Au-delà de tous les services offerts désormais aux populations, les outils numériques ont permis de réduire la distance entre les patients et les professionnels de santé. Une révolution silencieuse qui rapproche le patient des praticiens de la santé favorisant ainsi, un meilleur accès des populations aux services de santé.

Assurer la mise à jour des connaissances des professionnels de santé

En dehors de l’accès à l’information médicale, plusieurs applications permettent de connecter les professionnels de santé entre eux pour améliorer leurs connaissances sur des problématiques et thématiques diverses. C’est le cas de la plateforme REMA (Réseau des médecins d’Afrique) qui s’est illustrée ces dernières années en matière de formation continue en ligne pour les professionnels de la santé (médecins, sage-femmes, infirmiers) exerçant en Afrique. Grâce à cette plateforme apparue seulement en 2017, c’est plus de 14.000 professionnels de santé qui sont connectés venant des pays d’Afrique francophone et plus de 7000 professionnels de santé formés sur diverses thématiques de santé publique en 2022. A travers bibliothèque, cours en ligne et webinaires, plusieurs thématiques sont abordées notamment les urgences ophtalmologiques, la césarienne et classification de Robson, le diabète de type 2…pour permettre aux praticiens de la santé, de renforcer leurs capacités à travers un partage d’expériences sur les cas cliniques. En 2022, selon le fondateur et Directeur Général de REMA, le médecin Cédric Degbo, c’est plus de 5.000.000 de patients qui ont été impactés indirectement et plus de 4000 cas de patients résolus via la plateforme. Son pari est de « réduire l’incidence des erreurs médicales en interconnectant tous les médecins qui exercent en Afrique afin qu’ils partagent leurs connaissances et leurs expériences, délivrer des soins de santé de qualité et saisir des opportunités professionnelles ».

Les effets de ces outils numériques sur l’offre de service est aujourd’hui indéniable. « Avec le numérique, et grâce à la e-santé, on gagne en temps, en efficacité et en coût », soutient Juliette M. Pour sa consœur journaliste spécialiste de la santé, Flore Nobimè, l’intrusion des outils numériques dans le secteur de la santé au Bénin est « une opportunité d’améliorer la prise en charge des patients et les performances du système sanitaire grâce à la formation à distance des professionnels ». Plus encore, elle signale qu’en temps d’épidémies, le recours aux outils numériques permettra de « collecter aisément les données grâce aux tablettes, téléphones mobiles, afin de mieux suivre les situations en temps réel pour mieux protéger les populations ».

Une trajectoire irréversible vers la télémédecine

Le gouvernement béninois a fait du développement du numérique une priorité pour le quinquennat 2021-2026. Il ambitionne de faire du Bénin, la plateforme numérique de l’Afrique de l’ouest. « Le gouvernement a décidé que le service public aille vers le citoyen » a déclaré la ministre béninoise de l’économie numérique, Aurélie Adam Soulé Zoumarou. Depuis, dans plusieurs secteurs, il a opté pour la dématérialisation des services publics. Le secteur de la santé n’échappe pas à cette volonté affichée et traduite dans le Programme d’actions du gouvernement pour la période 2021-2026.

En effet, il s’est fixé comme objectifs stratégiques, d’établir une plateforme du système de cyber santé grâce à la connectivité à l’internet haut débit et de déployer une offre de services en ligne pertinents (e-services de santé y compris la télémédecine). Un ambitieux programme qui permettra à terme, aux populations et aux usagers, d’avoir accès à des prestations supplémentaires de e-service de santé y compris la télémédecine.

Déjà, avec l’appui de Enabel, le ministère de la santé développe dans le cadre du Programme d’appui à la santé sexuelle et reproductive et à l’information sanitaire (PASRI), un outil pour faciliter la gestion d’un dossier patient sécurisé. Pour le Responsable du volet HealthData, du programme, Wilfrid T. Nassara, l’appui vise l’amélioration de la qualité de l’information sanitaire. L’expérimentation à titre pilote de cet outil dans 4 centres de santé de la zone sanitaire d’Abomey-calavi- Sô-Ava, permettra de documenter le processus et d’apprendre des défis en vue d’une généralisation. Pour le Bénin, tout est mis en place pour aller vers un Système informatisé hospitalier (SIH) dans les prochaines années. Pour la doctorante en médecine, Spécialiste en santé numérique et Présidente de l’Association des étudiants en médecine de Cotonou, Viviane Okey, « le Bénin est sur la bonne voie parce qu’il y a de nombreux outils qui se développent pour faciliter l’accès aux soins de santé pour les professionnels comme pour les patients que vers les pharmacies ».

Avec l’évolution des réseaux mobiles et la connectivité à internet qui s’enrichie, la eSanté au Bénin permettra inéluctablement, une accélération et une diversification des services entre hôpitaux, professionnels et patients. Seulement, il devra se préparer à gérer un flux important de données personnelles et à en assurer la protection. Également, un autre défi majeur reste la prise en compte des personnes bénéficiaires d’assurance-maladie. A cela, il faut ajouter selon le Directeur de l’entreprise de conceptions de solutions 4DEV, Moudilou Dramane, la régulation des opérateurs au-delà de celle relative à la protection des données. « Il faut que le gouvernement qui doit mettre en place l’infrastructure insiste sur l’interopérabilité des solutions sur le marché ».

Mais en attendant, la e-Santé a encore de beaux jours devant elle avec des innovateurs qui apportent des nouvelles solutions pour faciliter l’accès aux soins de santé aux patients et connecter les professionnels de santé entre eux.

Originaire du Bénin en Afrique de l’ouest, Alain TOSSOUNON est journaliste depuis plus d’une quinzaine d’années. Rédacteur en Chef puis Directeur de rédaction de l’hebdomadaire spécialisé dans la décentralisation et la gouvernance locale « Le Municipal », il a suivi et validé plusieurs certificats en gestion des ressources naturelles (Université Senghor d’Alexandrie) et en eau avant de passer grand reporter sur les thématiques de l’eau, l’hygiène et l’assainissement de base et l’environnement.
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