JME 2021 : Rendons à l’eau ce qui est à l’eau

Aujourd’hui 22 mars, la communauté internationale célèbre la journée mondiale de l’eau. Instituée depuis 1993, cette journée annuelle qui invite à la réflexion sur la situation des 2,2 milliards de personnes qui vivent sans accès à de l’eau salubre, porte cette année sur la valorisation de l’eau.

A première vue, on peut se demander s’il était encore nécessaire de rappeler aux humains que nous sommes, l’importance et la valeur de l’eau. Car, 60% du corps humain est constitué d’eau. Dès lors, on admet forcément que l’eau est une ressource précieuse au même titre que l’air. C’est un élément primordial à la vie.

Mais en choisissant cette année pour thème, la valorisation de l’eau, les Nations Unies nous invitent à revenir à la nature de l’eau, à ce qu’elle représente de fondamental pour chacun d’entre nous et pour tous. Au 3e Forum mondial de l’eau de Kyoto au Japon en 2003, le président de la République française, Jacques Chirac, a soutenu que : « L’eau est par nature un bien public. Nul ne saurait se l’approprier. C’est à la collectivité d’en définir l’usage pour assurer un bon approvisionnement et un bon assainissement, pour limiter les gaspillages, dans un esprit de justice sociale, de saine économie et de respect de l’environnement. ». Dix huit ans plus tard, on se rend bien compte qu’il a vu juste en soutenant le caractère public de l’eau et la nécessité pour chacun d’y avoir accès. Cela a conduit en 2010, les Nations Unies à faire de l’accès à l’eau et à l’assainissement, un droit fondamental.

Selon cette approche fondée sur les droits de la personne humaine, tout homme du seul fait de naître, a droit à recevoir de l’eau de la même manière qu’il a droit à l’éducation ou à des soins de santé sans que le prix ne puisse constituer un obstacle infranchissable.

Sa déclaration reflète également des valeurs sociales qui sont très généralement partagées. Elle se réfère à la justice sociale et non aux lois du commerce, à l’appropriation collective et non au profit privé, à la qualité de bien public et non à la possession privée. Ainsi, mettre en avant un droit fondamental à l’eau, c’est donner la prééminence à la dimension sociale sur la dimension économique, c’est mettre l’accent sur la collectivité et non l’individu, c’est maintenir l’eau dans la sphère de l’intérêt public. C’est vrai qu’une telle approche ne néglige pas l’aspect économique puisqu’elle fait référence à la « saine économie » et qu’elle n’exclut pas la participation du secteur privé à la gestion d’un service public ou d’intérêt général. Mais, elle nous prévient sur la frontière qu’il ne faut pas franchir en considérant l’eau comme un bien marchand dans les politiques publiques parce qu’il s’agit de ne priver personne de cette ressource vitale.

Au Bénin, s’il faut se féliciter des efforts entrepris depuis 2016 par le gouvernement de Patrice Talon permettant de faire passer le taux de desserte national à 69% au 31 décembre 2020, il est important de penser aux 30% des populations qui n’ont pas toujours accès à ce liquide vital. Surtout en ce mois de mars où les femmes sont célébrées, il faut avoir une pensée pour les jeunes femmes et filles soumises à la corvée d’eau. Dans le monde, il est estimé que les femmes et les filles consacrent déjà collectivement près de 200 millions d’heures par an, soit près de 23 000 ans, à marcher pour aller chercher de l’eau.

Également, il est à rappeler la nécessité pour la politique publique de l’eau mise en œuvre, de penser aux plus pauvres.  Car, rendre l’eau potable accessible à tous implique de prendre en charge une partie du coût de l’eau des plus pauvres. Cette politique menée par des mécanismes de péréquation du prix de l’eau qui transfèrent une partie du coût de l’eau de certains usagers sur d’autres doit être maintenue et revisitée pour permettre de prendre en compte le plus grand nombre des populations les plus pauvres. Parce que dans nos communes rurales comme dans les localités les plus éloignées et les quartiers périphériques, l’eau coûte encore plus chère pour les communautés les plus pauvres que pour celles qui vivent en milieu urbain. Cette injustice sociale appelle une réponse adéquate dans les réformes en cours.  

Par ailleurs, au-delà de l’accès à l’eau potable pour tous, la préservation de la ressource pour les générations futures et sa protection contre les différentes formes de pollution doivent constituer une urgence.  Car, avec le réchauffement de la planète et l’augmentation de la pollution des eaux, dès 2025, la moitié de la population mondiale pourrait manquer d’eau. Et dans le contexte actuel, le dernier rapport de WaterAid « Changer le cours des choses : L’état de l’eau dans le monde 2021 » (https://washmatters.wateraid.org/fr/publications/en-premiere-ligne-letat-de-leau-dans-le-monde-en-2020), nous renseigne que les répercussions du changement climatique sur l’approvisionnement en eau des personnes ne sont pas suffisamment considérées ; elles menacent de faire reculer de plusieurs dizaines d’années les progrès visant à garantir l’accès universel à l’eau salubre si des mesures ne sont pas instamment prises pour aider les communautés les plus démunies au monde à s’adapter aux variations climatiques.

Nous sommes donc avertis que tout progrès dans le domaine de l’accès à l’eau passe par la prise de conscience de la préservation, de la protection et de l’épuisement de la ressource.  

En définitive, la valeur de l’eau ne doit pas dépendre uniquement de sa quantité mais aussi de sa qualité, son emplacement, sa sûreté d’accès et sa disponibilité dans le temps. En raison du caractère unique de l’eau et de son importance socio-économique, elle mérite une gestion planifiée, concertée et durable surtout qu’elle se fait de plus en plus rare, en vue de satisfaire les besoins de chacun et de tous. C’est une question de survie de l’homme et de son environnement!

Originaire du Bénin en Afrique de l’ouest, Alain TOSSOUNON est journaliste depuis plus d’une quinzaine d’années. Rédacteur en Chef puis Directeur de rédaction de l’hebdomadaire spécialisé dans la décentralisation et la gouvernance locale « Le Municipal », il a suivi et validé plusieurs certificats en gestion des ressources naturelles (Université Senghor d’Alexandrie) et en eau avant de passer grand reporter sur les thématiques de l’eau, l’hygiène et l’assainissement de base et l’environnement.
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Un commentaire pour “JME 2021 : Rendons à l’eau ce qui est à l’eau

  1. Félicitations et encouragements président
    Dieu te fortifie pour ton combat en faveur de la disponibilité pour tous et de façon durable du liquide vital et et précieux

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