Notre Décentralisation qui porte en elle l’espoir de rattraper le retard de plusieurs décennies d’errements au sommet de l’Etat avec des stratégies/projets et programmes aux résultats mitigés, ne mérite pas un tel traitement de nos institutions et des acteurs politiques. Autant l’organisation des élections législatives et présidentielles nous préoccupe, autant la non organisation des élections communales, municipales et locales devrait nous mobiliser. Car, en plus d’être un moyen de renforcement de la démocratie locale, la Décentralisation qu’elles favorisent permet de consolider la stabilité politique et l’union nationale.
Du complot au mépris pour la décentralisation
Depuis quelques jours, toutes les institutions se partageant les responsabilités dans l’organisation des élections au Bénin multiplient les rencontres et déclarations. Une preuve que désormais, l’inquiétude de la non organisation des élections gagne du terrain et en bon démocrate, on devrait bien saluer et soutenir ce réveil même tardif de nos institutions. Dans la foulée des déclarations, notre institution régulatrice du jeu démocratique et gardienne du temple est enfin officiellement sortie de son silence pour donner de la voix. Dans un communiqué laconique datant du 27 août , la Cour constitutionnelle nous informe qu’elle a tenu une séance de travail avec le bureau du Conseil d’Orientation et de Supervision de la Liste Electorale Permanente Informatisée (COS/LEPI) pour s’informer du processus de correction et d’actualisation de la LEPI sans laquelle, elle a indiqué dans une décision antérieure qu’aucune élection n’est possible. Plus loin, dans ce même communiqué, la Cour Constitutionnelle dit avoir insisté sur la nécessité pour le COS/LEPI, de respecter le délai de novembre 2014 pour achever la LEPI et surtout ajoute : « afin que les élections à venir se tiennent à bonne date ».
En parlant d’élections à venir, la Cour s’inquiète visiblement pour les élections législatives et présidentielles et ignore royalement les élections communales et municipales de mars 2013 manquées. Cette attitude de la Cour et avec elle de la classe politique toute entière, démontre au grand jour, tout le complot orchestré contre notre processus de décentralisation désormais fragilisé avec la non organisation des élections communales, municipales et locales qui maintient des élus locaux qui ont perdu toute légitimité.
Car, jamais la Cour ne s’est prononcée contre l’attitude de nos députés qui ont accordé une rallonge indéfinie aux maires, conseillers communaux et locaux toujours en place, plus d’un an après la fin de leur mandat. Jamais, les membres de la COS/LEPI n’ont montré cette volonté manifeste d’achever la LEPI en multipliant les rencontres et déclarations sur les blocages.
Ainsi, aujourd’hui que les élections législatives pointent à l’horizon, toute la classe politique et nos institutions s’inquiètent, chacun mettant l’autre devant ses responsabilités et ignorant qu’il y a bien des élections qui n’ont pas été organisées et qui sont dans l’oubli.
Pourtant, les élections communales, municipales et locales participent fort bien à l’enracinement de la démocratie, de la « vraie » démocratie, celle-là qui contribue au développement de nos 77 communes. Comme le signifiait Raogo Antoine Sawadogo dans « L’Etat africain face à la décentralisation », dans un contexte où l’Etat relève de l’ailleurs et souffre des traitements de méfiance et de rejet de la part des populations, la décentralisation que renforce l’organisation des élections communales et municipales, reste une panacée. Elle participe, sans exagérer, et reste le seul moyen réaliste de refonder véritablement notre Etat. Car, il est admis que celui qui ne participe pas aux décisions prises localement ne peut prétendre contrôler, sanctionner les tenants du pouvoir central. Pour un processus en devenir et qui devrait participer à la refondation de notre Etat, l’on ne devrait pas s’autoriser une décennie après, à saper sur l’autel des intérêts inavoués, cette vraie démocratie par le bas qui se construit pour sauver cette démocratie par le haut avec ses limites.
Sur le plan du développement, la Décentralisation mène à une plus grande responsabilité le gouvernement. Elle le rend plus responsable devant les populations au niveau de la base. Maddick nous précise que l’agent du gouvernement local opérant à la base est plus conscient de sa responsabilité que le fonctionnaire du gouvernement central dont la responsabilité est plus éloignée. Parce que tout simplement, « le gouvernement local a son surveillant devant sa porte » (H. Maddick).