Dr Dibi Millogo, Directeur Exécutif Adjoint de l’ABV : « La dégradation continue des ressources en eau est la principale menace »

Mise sur les fonts baptismaux depuis le 19 janvier 2007 à Ouagadougou avec la signature de la convention portant statut du fleuve Volta et création de l’Autorité du bassin de la Volta (Abv), l’organisation s’investit depuis à veiller à la gestion intégrée des ressources du bassin, à la sauvegarde de l’environnement et de l’écosystème du fleuve.

Après l’Analyse diagnostique transfrontalière (Adt) achevée en 2013 qui a révélé divers problèmes au niveau du bassin, des actions sont entreprises pour efficacement y répondre. Dans l’entretien que nous a accordé le Directeur exécutif adjoint de l’ABV, Dr Dibi Millogo, il dévoile les initiatives et projets significatifs en cours de mise en œuvre pour sauver la ressource en partage de la dégradation et pour valoriser les ressources du bassin.

1-Depuis la création de l’autorité du bassin de la Volta, quels sont les principaux acquis de cette autorité ?

Il faut dire que la création de l’autorité de la Volta date de 2006. C’est l’année au cours de laquelle, s’est tenue la première réunion des ministres de l’Autorité du bassin de la Volta. Mais avant cela, vous comprenez qu’il y a eu des tractations depuis 2004 jusqu’à 2006. Il y a eu plusieurs réunions du comité technique des experts. Parce que le bassin de la Volta est un vaste bassin avec d’énormes potentialités en termes d’hydroélectricité, d’aquaculture, d’agriculture irriguée, mais aussi de soutien aux autres activités dans le bassin. Pour eux, il était normal de créer une structure qui s’occupe des questions du bassin de la Volta. En 2007, donc, la convention fut signée. Depuis, on peut dire que l’autorité du bassin existe officiellement. En matière de bilan, il faut dire que tout a commencé avec les diagnostics.

Il fallait connaitre ce qui était dans le bassin. C’est l’Analyse Diagnostique Transfrontalière (ADT) réalisé en 2013 et qui a révélé un certain nombre de problèmes notamment l’érosion côtière, la dégradation des ressources en eau… Donc, pour les acteurs de l’autorité du bassin de la Volta, il fallait rechercher des projets et les mettre en œuvre pour la gestion de ces ressources-là. Donc, entre autres actions véritablement, il y a eu la création de l’observatoire qui n’était pas quelque chose qu’on avait envisagé dès le départ, parce que c’était important qu’on puisse s’occuper de tout ce qui concerne les ressources en eau en termes d’informations pour les différents acteurs du bassin. Au-delà de cela, beaucoup d’actions de gestion des conflits, de prévention des conflits sont menées au quotidien. Il y a aussi le développement et la mise en œuvre de projets importants.

On se rappelle que tout récemment, le Burkina Faso avait sollicité l’appui de l’Autorité pour recueillir l’avis de non-objection par rapport à un certain nombre de projets qu’il avait avec la Banque mondiale. Donc, depuis la création de l’Autorité du bassin de la Volta, les différents acteurs qui se succèdent ne cessent de chercher des financements et de mettre des projets en place pour la réduction des problèmes que l’Analyse Diagnostique Transfrontalière a révélés.

2- Quels sont ces problèmes et les principales menaces que l’Analyse Diagnostique Transfrontalière (ADT) a relevés ?

La dégradation continue des ressources en eau est la principale menace. Elle a des conséquences sur la biodiversité, mais aussi sur la survie de l’espèce humaine dans le bassin donc il y a une menace sur le développement tout court. Il y a aujourd’hui, le changement climatique qui entraîne avec lui, son lot d’inondations, de sécheresses qui sont une véritable entrave pour le développement en termes de dégâts. Quand vous prenez les inondations et les sécheresses, les pertes se chiffrent par an à des vingtaines de milliards de dollars. Donc, pour nous, ce sont des menaces qui véritablement pèsent sur le développement du bassin de la Volta. Il est important que l’on puisse prendre en charge ces questions. L’autre défi, c’est de faire en sorte que l’ensemble des acteurs puissent coexister dans le bassin de la Volta parce que ce n’est pas toujours gagné. Tout le monde voit l’eau et chacun se dit que le bassin lui appartient et il veut faire ce qu’il veut alors que la gestion intégrée des ressources en eau a ses règles. Tout le monde ne peut faire ce qu’il veut avec la ressource en eau qui appartient à tout le monde. Il y a des règles qu’il faut fixer et l’Autorité du bassin de la Volta en est le garant.

3- Est-ce que vous arrivez à partager avec les décideurs, l’urgence de faire face à ces menaces et défis ?

Oui, il y a une prise de conscience croissante parmi les décideurs, étant donné que la création de l’Autorité du bassin est issue des autorités responsables des questions liées à l’eau dans chaque pays. Cela démontre une reconnaissance accrue des défis auxquels nous sommes confrontés dans le bassin. Maintenant, avec l’établissement de l’Autorité, de nouveaux défis se présentent, comme la tenue régulière des sessions du Conseil des ministres et des sommets des chefs d’État. Ce sont des défis auxquels plusieurs structures doivent faire face, mais nous sommes optimistes quant à notre capacité à les surmonter.

4-Quelles sont les réponses qu’apporte l’ABV pour faire face à ces menaces ?

Les réponses consistent principalement à mettre en place et à exécuter des projets dans le bassin de la Volta. Par exemple, pour faire face aux inondations et aux sécheresses, nous avons récemment achevé le projet de gestion des précipitations de la Volta, qui répond à ces problèmes par la création d’une plateforme. Cette plateforme permet d’annoncer les crues et les périodes de sécheresse afin que les populations puissent prendre les dispositions nécessaires à temps. Nous appliquons des approches similaires dans de nombreux autres domaines. Actuellement, nous travaillons à inverser la dégradation des terres et de l’eau dans le bassin de la Volta. Nous sommes également engagés dans d’autres projets tels que la valorisation des ressources en eau du bassin, avec le schéma directeur d’aménagement, ainsi que la réalisation d’un ouvrage commun à tous les pays du bassin de la Volta, à savoir le barrage.

5- Aujourd’hui, on voit qu’avec le changement climatique, nous sommes passés des menaces que nous connaissions à une urgence d’agir. Quel est le principal message que vous avez à l’endroit des communautés et de tous les acteurs pour que cette prise de conscience sur l’urgence d’agir soit partagée par tous ?

 Le message principal que j’ai à transmettre aux communautés et à tous les acteurs est que le bassin est notre patrimoine. C’est là que nous puisons les ressources essentielles à notre survie, là où nous construisons notre économie. Chacun devrait donc œuvrer pour que ce bassin prospère, en entreprenant des actions positives pour protéger les ressources en eau. Il est également crucial d’encourager les autres acteurs qui n’ont pas encore pris conscience de l’importance de nous rejoindre dans ce processus.

Originaire du Bénin en Afrique de l’ouest, Alain TOSSOUNON est journaliste depuis plus d’une quinzaine d’années. Rédacteur en Chef puis Directeur de rédaction de l’hebdomadaire spécialisé dans la décentralisation et la gouvernance locale « Le Municipal », il a suivi et validé plusieurs certificats en gestion des ressources naturelles (Université Senghor d’Alexandrie) et en eau avant de passer grand reporter sur les thématiques de l’eau, l’hygiène et l’assainissement de base et l’environnement.
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