Au Bénin comme partout ailleurs en Afrique subsaharienne où le paludisme sévit, les enfants de moins de 5 ans sont les plus touchés. Plusieurs mesures sont prises pour voler à leur secours. Mais les résultats sont encore loin de les sauver tous d’une mort prématurée.
Au centre de santé de Godomey dans la commune d’Abomey-Calavi au sud du Bénin, l’un des arrondissements les plus peuplés du Bénin avec 253 262 habitants, le paludisme continue de tuer. Plus encore, ce sont les enfants de moins de 5 ans qui sont les plus touchés surtout en saison pluvieuse. Selon le médecin-chef du centre, Samuel Guido, d’avril au 29 juillet 2022, le centre a enregistré 350 cas de paludisme dont 300 cas de paludisme simple, 50 cas de paludisme grave. Sur les 50 cas de paludisme grave, on dénombre 45 cas chez les enfants. « Nous voyons donc que les cas graves sont enregistrés plus chez les enfants de moins de cinq ans », confirme le médecin chef du centre de Santé de Godomey, Samuel Guido.
Plus loin, à plus de 500 km de Cotonou, dans le département de l’Atacora comptant une population d’environ 943 213 habitants, le constat est le même. Les enfants de moins de 5 ans constituent la tranche d’âge la plus affectée par le fléau. Selon l’annuaire des statistiques sanitaires 2020 du département de l’Atacora, sur 306.623 cas de paludisme confirmé (grave+ simple) enregistrés dans les hôpitaux, près de la moitié soit 128.436 cas d’enfants de moins de 5 ans sont dénombrés. Plus encore, la létalité est la plus élevée au niveau de cette tranche d’âge de 0-5 ans. Sur 440 décès pour le département, 357 décès sont recensés.
Des mesures de prévention encore insuffisantes
En réponse à cette forte prévalence du paludisme et la létalité élevée chez les enfants de moins de 5 ans, les autorités sanitaires du Bénin, ont reconnu dans la stratégie nationale, ces enfants comme étant l’une des couches les plus vulnérables. A ce titre, les enfants de cette tranche d’âge bénéficient depuis plusieurs années, d’une attention particulière. Dans le Plan stratégique national intégré d’élimination du paludisme, de la tuberculose, du VIH/SIDA et des hépatites (PSNIE) 2020-2024 a dans son 1er axe d’intervention relatif à la prévention, retenus comme stratégies, la lutte anti-vectorielle intégrée (LAVI) et la chimio-prévention pour protéger les tous petits.
Ainsi, plusieurs mesures sont entreprises sur le terrain pour voler au secours des enfants. En matière de distribution de masse de Moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILD), les données de l’Enquête Démographique et de Santé 2018 nous révèlent que 71 % de la population des ménages avaient dormi sous une MILD. Chez les enfants de moins de 5 ans, ce taux est d’environ 76 %. Également, le PNLP a conduit plusieurs éditions de campagnes de Pulvérisation Intra Domiciliaire (PID) de 2008 à 2011 dans le département de l’Ouémé et dans les départements de l’Atacora et de l’Alibori de 2011 à 2021. Mais, si ailleurs comme en Asie, en Russie, en Europe ou même dans certaines parties de l’Afrique, la PID a connu du succès, au Bénin, les autorités sanitaires signalent que « les évidences épidémiologiques restent encore à prouver ». Si pour l’heure, une évaluation approfondie est attendue pour poursuivre ou non la lutte avec cette stratégie, certains acteurs appellent à une généralisation de la mesure. En plus de la PID, le ministère en charge de la santé fait aussi de la Chimio prévention saisonnier (CPS) pour les plus petits. Selon le PNLP, en 2021, 591.564 enfants ont été touchés dont 306.184 ont reçu le nombre de doses requises, soit 51,8% de couverture pour le cycle complet. Une mesure salutaire pour beaucoup d’acteurs de la santé mais qui malheureusement est encore limitée aux départements de l’Atacora et de l’Alibori. « Godomey n’est pas éligible pour à la chimio prévention chez les enfants. Nous espérons que ça va venir », signale le médecin chef, Dr Samuel Guido qui comme beaucoup d’autres, s’impatientent de voir cette mesure s’étendre à tous les départements et communes. Pour le PNLP, l’extension et l’intensification de la CPS à d’autres zones et autres tranches d’âge et la reprise de la PID repensée constituent des enjeux majeurs de la lutte. Mais, pour y arriver, il faudra mobiliser plus de ressources pour ces interventions prioritaires.
L’annonce de l’augmentation de la contrepartie budgétaire nationale qui est passée d’une moyenne des cinq dernières années de 1 039 901 000 FCFA à 2 500 000 000 FCFA pour l’année budgétaire 2023 dans le cadre de la lutte contre le paludisme, constitue une lueur d’espoir dans le combat contre ce fléau qui continue de décimer les enfants de moins de 5 ans.