« Au départ, il n’y avait pas de forage. Les populations buvaient l’eau du marigot appelé « Agbidi ». Ce n’est bien après que les personnes ressources de cette localité ont adressé aux autorités locales une demande pour avoir un forage ». Ce témoignage du président de l’Association de développement de l’arrondissement de Koudo, Martin Ahété, résume fort bien le point de départ de cette initiative qui fait école aujourd’hui en matière d’application de la Gestion intégrée des ressources en eau dans notre pays. Comme si c’était hier, le Chef d’Antenne de Protos, Guillaume Houinato, signale que cette initiative de valorisation des forages et de la maitrise de l’eau, remonte à un petit projet de 18 mois dénommé HAADI-Lokossa initié par Protos et de la Mairie de Lokossa.
En quête de l’eau pour la boisson, les communautés se retrouvent d’un jour à l’autre avec un forage artésien qui très tôt devient un problème au lieu d’être une solution. Dès lors il devient difficile pour les populations notamment les femmes de ce hameau, de se procurer le liquide bleu. « Pour prendre de l’eau, les femmes se mouillaient suffisamment », raconte Martin Ahété.
Désormais contraintes de s’adapter à cette nouvelle situation, les communautés se rendent rapidement compte que le salut attendu de l’eau n’était que de courte durée. Et le bonheur tant espéré pouvait bien virer au cauchemar. Entre l’inondation tout autour du forage ou le gaspillage de l’eau qui n’arrêtait jamais de couler a flot, les communautés durent faire face aux maladies hydriques.
Dès lors, préoccupées et accablées, les communautés décidèrent de s’organiser pour une fois encore, faire une demande. Cette fois aussi, en lieu et place d’un forage, elles demandèrent l’amélioration du premier forage artésien. Un appel qui sera entendu par le consortium PNE-Bénin, Protos et Mairie de Lokossa qui dans le cadre du programme Multi Year Program (MYP), ont en décembre 2010, décidé de voler au secours de ces populations. C’est le début d’une nouvelle aventure qui conduit à l’aménagement hydro-agricole autour du site pour le développement d’activités de rente pour les populations. Le temps de sa mise en œuvre (2 ans), le projet MYP I permit rapidement de satisfaire une préoccupation majeure et urgente avant toute chose: la maîtrise et la canalisation de l’eau au niveau du forage. Et plus encore, explique le chef antenne Protos Lokossa, Guillaume Houinnato, ce partenariat a permis d’ériger à partir de cette tête de forage, trois bornes fontaines dans le hameau de Hounsa, et les villages de Agonsa et Adévikinto. Aussi, des diguettes et canalisations secondaires ont été réalisées pour convoyer l’eau jusqu’aux deux grandes superficies qui sont dorénavant alimentées par un système sommaire d’irrigation. Il s’agit notamment des sites de riziculture et de maraîchage de la localité.
Des acquis indéniables
Une des femmes bénéficiaires de la valorisation sur son champ de riz. Photo (c) Alain TossounonAlors qu’au départ, l’initiative de l’aménagement du site de Tinnou-Hounsa était destinée à résoudre un problème, elle devient très tôt une opportunité. Celle non seulement de la valorisation de l’eau pour des usages multiples de l’eau, donc de la prise en compte de la Gestion intégrée des ressources en eau, mais également de la lutte contre la pauvreté dans cette localité.
Avant toute, une fois que l’eau de la tête du forage a été maitrisée, le défi de l’accès à l’eau potable pour les populations a été définitivement relever avec les trois bornes fontaines désormais fonctionnelles. « Les populations ne souffrent plus le martyr puisqu’elles qu’elles ont l’eau à proximité et ceci leur a permis d’éviter désormais des maladies hydriques », souligne le président du développement de Koudo. Autrement, le premier impact de l’aménagement du forage artésien de Tinou a été sanitaire.
Mais, plus encore, alors qu’elles s’attendaient le moins, l’aménagement a conduit à la valorisation des sites rizicoles et maraîchers. Hier, condamnées aux activités ordinaires de champ de maïs ou de manioc, certains habitants du hameau furent convertis en riziculteurs avec l’accompagnement nécessaire.
« L’eau a été drainée de la tête du forage jusqu’au périmètre rizicole parce que le riz a besoin de suffisamment d’eau. Et aujourd’hui je peux dire que nous en profitons beaucoup », renseigne Michel Kokou Houndjo, président des riziculteurs de Tinou. Les retombées pour les habitants du village devenus riziculteurs ne se sont pas fait attendre. A la fin de la saison, chacun d’eux pouvait dorénavant disposer d’un revenu certain. « Pour un demi hectare emblavé, on peut banalement avoir au moins 200.000 francs CFA par saison », reconnait tout fièrement Michel Kokou Houndjo. Dans le même temps, l’activité de maraîchage pris également de l’envol. Et à l’image des riziculteurs, les maraîchers comptent aussi leurs acquis.
« Avec une bonne saison, chacun des maraichers peut faire au moins 30 à 40 mille francs de bénéfice », signale le président des maraîchers de la localité.
Avec ces revenus, la vie des habitants du hameau de Tinou-Hounsa va connaitre un nouveau souffle. Les producteurs engagés dans l’initiative de valorisation vont vivre des changements dans leur vie. A commencer par les plus vulnérables, à savoir les femmes. C’est le cas de dame Ayaba Koffi, secrétaire des riziculteurs qui, avec cette initiative et les retombées, est devenue propriétaire de sa propre maison grâce aux bénéfices tirés de la production du riz. « Aujourd’hui, je suis à l’abri du besoin et grâce à la production du riz, je réalise des choses qui forcent l’admiration des gens du village en tant que femme », a-t-elle avoué. L’accès à l’eau étant désormais garanti avec les trois bornes fontaines, l’aménagement des périmètres rizicoles et maraîchage devenu une réalité, l’initiative de la valorisation du site de Tinnou-Hounsa fait plusieurs heureux. Et le délégataire chargé de la gestion des trois bornes fontaines empoche par mois pour les trois bornes fontaines, 5.000 francs CFA s’en réjouit.
Aller plus loin…
Fortement édifiés par cette expérience de valorisation, les communautés du hameau de Tinnou-Hounsa et des villages voisins ne manquent pas aujourd’hui d’ambitions. Ainsi, face aux résultats enregistrés, ils rêvent de voir les surfaces irriguées s’agrandir et le nombre d’habitants bénéficiaires s’accroître.
Dans un premier temps, parce que les deux canaux d’irrigation ne permettent pas une couverture totale du domaine (près de huit hectares), ils souhaitent que le système d’irrigation s’étende à tout le périmètre. Car, selon leurs témoignages, ce n’est qu’une superficie d’environ 3 hectares et demie qui est emblavée. Et aujourd’hui éclairés, les producteurs estiment que c’est un manque à gagner pour le village et la commune. L’autre difficulté qui surgit de cette initiative, c’est la disponibilité des terres. « Les propriétaires terriens sont réticents à nous laisser leurs terres pour des raisons que nous ne maîtrisons pas », a laissé entendre Kokouvi Viazo, un habitant du village. De plus, les populations surtout les femmes productrices de l’huile de noix de palme ne veulent plus « acheter » l’eau pour leur activité. Elles veulent une autre borne fontaine exclusivement dédiée à leur activité.
Par ailleurs, les populations du village qui désormais veulent faire dos à la pauvreté, ne manquent pas d’intérêt pour la pisciculture avec l’eau disponible. Comme quoi, en manifestant aujourd’hui leurs besoins d’utiliser l’eau pour des usages divers, elles ont compris que l’eau peut être source de richesse et de progrès. Un message que s’emploie à véhiculer depuis plusieurs années le Partenariat national de l’eau du Bénin (PNE-Bénin) et l’ONG Protos à travers plusieurs initiatives et programmes mis en œuvre. Aujourd’hui, le chef d’Antenne Protos de Lokossa, Guillaume Houinato, ne cache pas sa satisfaction face à la preuve que la maîtrise de l’eau peut contribuer à la lutte contre la pauvreté avec la mise en place de petites unités de production au niveau local.
Tinnou-Hounsa en a donné l’exemple. Il reste que cette initiative soit dupliquée pour davantage convaincre que la GIRE n’est pas un slogan, mais une approche incontournable pour faire de l’eau, un facteur de richesses.