Culture du jatropha au Bénin: Une réponse aux besoins locaux en énergie

Joseph Gnonhoué est producteur de coton à Zagnanando. Mais avec les problèmes que connait ce secteur, il a choisi, à coté du coton, de faire la culture de jatropha. « Quand il y a la chute du coton, nous sommes coincés et on fait aujourd’hui le Jatropha; c’est une expérience que nous avons commencée, il y a 4 ans ». Loin d’être un simple essai, Il espère beaucoup de cette nouvelle expérience pour gagner un peu d’argent. « Le jatropha, c’est un complément. C’est pour avoir une autre source de revenu », signale Joseph Gnonhoué.

Mais si, le jatropha apparaît comme un autre moyen de gagner de l’argent pour ce producteur, il est avant tout une énergie de substitution. Une réponse à la non disponibilité du carburant et à sa cherté. « Ici, le problème de gasoil se pose avec acuité et c’est pourquoi les producteurs veulent faire cette culture », renseigne le Responsable du Centre Communal de Promotion Agricole, Alain Dossi.

Après une recherche-action conduite par le Groupe Énergie Renouvelable Environnement et Solidarité (GERES) en 2009, l’huile végétale extraite des graines du jatropha, a prouvé qu’elle pouvait être utilisée comme du gasoil dans les moteurs. C’est le début d’une nouvelle aventure pour le Geres qui, en l’absence d’une référence technique, a travaillé à définir un itinéraire technique pour cette plante sur le plan agronomique dans une approche participative avec des producteurs, des agents des Centres Communaux de Promotion Agricole (CeCPA) et des experts de l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA).

Aujourd’hui, grâce au programme Agro-carburants Locaux, Territoires Ruraux et Energies (ALTERRE) soutenu par plusieurs bailleurs, la culture du jatropha prend de l’envol. Et avec l’appui de la Banque Mondiale, à travers les fonds BEIA (Biomass Energy Initiative in Africa) qui s’élève à 90.155 dollars (soit environ 45 millions FCFA), une première usine d’extraction d’huile de jatropha est en cours de construction. Une fois installée, cette usine aura une capacité de production de 240 à 250 litres par jour. Cette huile extraite sera destinée aux moulins à maïs, mais aussi aux plateformes multifonctionnelles installées dans la région.

Ainsi, passé le cap de l’expérimentation, c’est toute une filière qui se développe au profit des communautés rurales. Mais le chef de mission du Geres, Raymond Azokpota, est ferme. Loin d’une production à grande échelle, l’approche utilisée est celle d’une filière de proximité dont la production est exclusivement consacrée à la satisfaction des besoins au niveau local. Ceci pour éviter toute polémique par rapport au débat international qui a cours sur la production des biocarburants et surtout pour ne pas compromettre la sécurité alimentaire pour les populations.

Pour une nouvelle filière qui prend corps, l’engouement des producteurs sur le terrain est sans faille. Puisque, de 20 producteurs en 2008 au départ dans la commune de Zangnanado, la filière mobilise aujourd’hui environ 700 producteurs répartis dans 7 communes du Zou (Zagnanado, Covè, Djidja, Ouinhi, Zogbodomey, Agbangnizoun, Zakpota). A terme, pour les 7 communes, c’est une superficie de près de 101 hectares qui est envisagée.

Un intérêt manifeste des producteurs qui au-delà de la satisfaction de la demande locale recherchée, espèrent en tirer grand profit. C’est le cas de plusieurs femmes, hier revendeuses ou productrices qui ne veulent pas rester en marge de cette expérience en marche. « Je suis très contente pour cette usine qu’on va construire ici. Moi-même, je possède un moulin à maïs, et je cultive trois quart d’hectare de jatropha. Avec ce que j’entends dans les autres villages, l’huile de jatropha va me permettre de faire marcher mon moulin à moindre coût, parce que le gas-oil nous revient très cher. Et je suis sure que je vais pouvoir me faire beaucoup d’argent grâce au jatropha », nous confie Catherine Davi à Banamé dans la Commune de Zagnanado.

Mais, pour en arriver là, il a fallu faire une sélection qui tient grand compte de la disponibilité en superficies cultivables, de la main d’œuvre dont disposent les producteurs. Et en fin de compte, pour ne pas menacer la sécurité alimentaire, c’est le dixième des superficies cultivables et parfois des terres qu’ils ont laissées en jachère qui sont utilisées.

Avec le partenariat établi avec les Centres Régionaux de Promotion Agricole (CeRPA) et les Centres Communaux de Promotion Agricole (CeCPA), l’accompagnement des producteurs est assuré. Pour l’heure, le chargé de mission de l’ONG Geres dans le cadre du programme ALTERRE, Pascal Ahinouhossou, affirme que les hypothèses de rendement donnent 2 tonnes à l’hectare à partir de la 5e et la 6e année, vu que le jatropha est une plante pérenne. Et, ajoute-t-il, les premiers essais montrent qu’il faut 4 kg et demie de graine pour produire 1l d’huile de jatropha.

Afin de poursuivre les réflexions et minimiser les risques environnementaux, le Geres a créé une plateforme d’échanges au niveau de l’Afrique de l’Ouest appelée « Jatroref » pour alimenter le débat, enrichir cette expérience et la partager au niveau de la région ouest-africaine. Et la Direction Générale de l’Énergie (DGE), avec un œil vigilant, s’assure des aspects réglementaires.

Dans les 7 communes du Zou, le jatropha a un bel avenir, l’intérêt des producteurs qui ne manquent pas d’attente pour accroitre leurs revenus est manifeste. Il reste que le gouvernement et ses partenaires soutiennent davantage cette culture expérimentale pour combler les besoins locaux en énergie tout en menant un combat efficace dans ces localités en proie à la pauvreté.

Originaire du Bénin en Afrique de l’ouest, Alain TOSSOUNON est journaliste depuis plus d’une quinzaine d’années. Rédacteur en Chef puis Directeur de rédaction de l’hebdomadaire spécialisé dans la décentralisation et la gouvernance locale « Le Municipal », il a suivi et validé plusieurs certificats en gestion des ressources naturelles (Université Senghor d’Alexandrie) et en eau avant de passer grand reporter sur les thématiques de l’eau, l’hygiène et l’assainissement de base et l’environnement.
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